Réunion publique le 18 novembre à Grabels, près de Montpellier, contre la vidéosurveillance !

Nous relayons une réunion publique qui aura lieu le vendredi 18 novembre à Grabels, près de Montpellier, à l’appel de la LDH et du groupe Technopolice Montpellier. Le tract de l’événement :

Non, la vidéosurveillance n’est pas une solution ! Pourquoi le projet de vidéosurveillance Grabels doit être abandonné

A Grabels, l’installation de caméras de vidéosurveillance est actuellement envisagée par la municipalité.

Cet énième projet de vidéosurveillance sur le territoire de la métropole est inutile et dangereux. Alors que la vidéosurveillance a été présentée pendant des années comme une solution évidente pour la sécurité, son inefficacité et ses impacts négatifs sur les droits et libertés sont aujourd’hui attestés.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) et le collectif Technopolice Montpellier refusent ce qu’implique la banalisation de la vidéosurveillance, rebaptisée de façon trompeuse vidéoprotection  », et cela, d’autant que sa mise en place est rarement accompagnée d’un large débat sur le bien-fondé de son utilisation. Les arguments avancés pour défendre la vidéosurveillance de la population posent en réalité plus de problèmes qu’ils n’apportent de « solutions ».

Des arguments pro-vidéosurveillance fallacieux et réfutés par les études scientifiques

« La vidéosurveillance permet de dissuader la délinquance ».

Cet argument, qui peut paraître évident, est tout simplement faux. Les études menées sur la question montrent que la vidéosurveillance n’a aucun effet dissuasif sur la commission d’infractions. Une étude réalisée par la Cour des comptes en 2020 conclue ainsi qu’« aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation » [1 ].

« La vidéosurveillance permet d’identifier après coup des personnes délinquantes »

Là encore, cette affirmation est très largement démentie par les études scientifiques. En 2021, une étude détaillée commandée par la gendarmerie concluait qu’en matière d’infractions sur la voie publique (violences, vols liés aux véhicules, cambriolages, infractions liées aux stupéfiants), seulement 1,1 % des enquêtes élucidées bénéficient du concours d’images de vidéosurveillance, tandis que près de 99 % des enquêtes élucidées relatives à ces infractions le sont sans y recourir [2]. Des conclusions qui recoupent celles déjà établies par des chercheurs indépendants ou par les autorités d’autres pays [3].

« La vidéosurveillance n’est pas à craindre quand on n’a rien à se reprocher  »

Cet argument est très problématique à plusieurs égards. Ne pas s’inquiéter des atteintes à la vie privée parce qu’on n’a rien à cacher, c’est un peu comme ne pas s’inquiéter des atteintes à la liberté d’expression parce qu’on n’a rien à dire. De nombreuses personnes peuvent avoir des raisons légitimes de ne pas vouloir être filmées par des caméras – en premier lieu, parce que c’est leur droit le plus strict. Les images d’une personne, notamment de leurs visages, sont des données personnelles : pour être légale, leur collecte doit donc être nécessaire et proportionnée. Or, lorsque toutes les études concluent à l’inutilité globale de la vidéosurveillance, cette « nécessité » est loin d’être démontrée.

Des coûts écologiques et économiques non négligeables

La vidéosurveillance constitue un gigantesque gâchis financier et écologique, puisqu’il faut bien d’énormes quantités d’argent public, des terres rares, de l’électricité et bien d’autres ressources pour déployer et faire tourner toutes ces infrastructures. Dans le cas du projet envisagé à Grabels, la société TVS Consulting (une entreprise de vidéosurveillance qui n’a évidemment aucun intérêt à mettre en doute l’utilité de son produit) estime les coûts suivants :

  • budget d’installation : 253 000 €
  • maintenance annuelle : 14 000 €

Encore faut-il ajouter à cela des coûts d’amortissement, des coûts dus au bris et à l’obsolescence du matériel, les salaires des agents de police qui surveilleraient les images des caméras…

Des coûts proprement exorbitants pour un système à l’inefficacité prouvée : si la vidéosurveillance n’a pas l’effet attendu, c’est parce que la délinquance s’adapte et se déplace vers des zones non surveillées – ce qu’on appelle « l’effet plumeau ». Par conséquent, la logique de la vidéosurveillance implique de mettre de plus en plus de caméras.

Mais peut-on imaginer une société totalement vidéosurveillée ? Quelles en seraient les conséquences pour les libertés ?

Un risque pour la liberté et la démocratie

La vidéosurveillance fait de tous les citoyens des suspects potentiels. Il s’agit d’une inversion du droit, lequel considère normalement chaque personne comme innocente jusqu’à ce qu’elle franchisse les limites de la loi, et où elle ne peut être surveillée que s’il existe des indices graves et concordants permettant de penser qu’elle prépare une infraction.

Être surveillé amène les personnes, même bien intentionnées, à « normaliser » leurs comportements, s’autocensurer. Et c’est là une première atteinte sournoise à la liberté d’aller et venir et au libre arbitre. Pour caractériser ce phénomène et illustrer la logique de la surveillance de masse, le philosophe Michel Foucault la comparait au « panoptique », un type d’architecture de prison qui permet à un gardien, logé dans une tour centrale, d’observer en même temps tous les prisonniers, enfermés dans des cellules individuelles autour de lui, sans que ceux-ci ne puissent en retour savoir s’ils étaient regardés à un moment donné. Un tel dispositif carcéral vise à « normaliser » le comportement des détenus en leur donnant le sentiment d’être en permanence observés. Michel Foucault met bien en évidence une « technologie politique » permettant l’exercice du pouvoir par l’intériorisation de la surveillance, mais aussi par le fait que chaque détenu (ou citoyen) est encouragé à surveiller ses codétenus qui n’ont plus d’intimité.

Voulons-nous réellement voir cette logique appliquée à nos villes et à nos vies ?

Par ailleurs, comment s’assurer de l’utilisation qui pourrait en être faite à l’avenir ? Sur la place Tian’anmen, en Chine, les caméras ont permis d’identifier les opposant·es au régime lors de manifestations. Qui pourrait affirmer qu’un tel régime ne pourrait jamais advenir dans notre pays ? Déjà aujourd’hui, les violations illégales du droit de manifester et le harcèlement des militants et militantes semblent être l’un des principaux usages de la vidéosurveillance en France [4]. L’opposition citoyenne et les mouvements sociaux font partie de l’activité démocratique. Une majorité municipale, un gouvernement peuvent toujours évoluer. Raison pour laquelle il faut s’opposer à la vidéosurveillance même quand elle poursuit des buts louables.

Une destruction méthodique du lien social

La vidéosurveillance détruit le lien social.

On ne peut répondre au « sentiment d’insécurité » des citoyen·nes par un artifice technique [5]. Là où on attend au contraire des solutions basées sur le contact humain : renforcer la présence d’enseignant·es, d’aide-éducateurs, de travailleurs sociaux, d’animateurs, de médiateurs, de concierges, de correspondants de quartiers, et développer des espaces de rencontres et d’échanges pour rendre les gens acteurs et actrices de leurs espaces de vie collective.

La vidéosurveillance menace la solidarité et renforce l’individualisme.

La vidéosurveillance déresponsabilise les citoyen·nes en renforçant une tendance, en cas d’incident, ne pas réagir, à détourner le regard, et enfin à se décharger de leur responsabilité sur l’agent imaginé derrière la caméra.

La vidéosurveillance cible, détecte et contrôle des comportements et non des individus : la surveillance est donc généralisée.

La difficulté de pouvoir suivre l’activité sur toutes les caméras de surveillance tend naturellement » dans un second temps, à solliciter l’aide de logiciels d’analyse algorithmique pour traiter toutes les images collectées et cibler des comportements jugés comme « anormaux ». C’est ce qu’on appelle la vidéosurveillance algorithmique (ou VSA) [6]. Or, les algorithmes de vidéosurveillance se révèlent fortement liberticides et discriminatoires, stigmatisant toujours plus les habitants et habitantes des quartiers populaires, et, de manière générale, les plus pauvres et les plus précaires [7]. Cette nouvelle technologie policière, profondément dystopique, est actuellement en plein essor, en dehors de tout cadre légal et tout contrôle démocratique – y compris à Montpellier [8].

Au final, la vidéosurveillance est une sorte de renoncement.

Les moyens techniques ne peuvent garantir une protection contre tous les risques de la vie. Cette illusion du contrôle absolu par la surveillance généralisée conduit à accepter, au fil des lois sécuritaires, encore et toujours plus de restrictions des libertés et d’atteintes à la vie privée sur lesquelles il sera ensuite impossible de revenir ; le tout en affaiblissant au passage des valeurs sociales et démocratiques de notre société.

Mieux vaudrait s’attaquer aux causes des problèmes plutôt que de chercher à sanctionner les symptômes des problèmes sociaux. À défaut de proposer des mesures permettant d’apporter des réponses efficaces à ces problèmes (pauvreté, violences faites aux femmes…), la plupart des responsables politiques choisissent la voie de la répression via une surveillance accrue. La vidéosurveillance, en rendant visible les lieux et le nombre de caméras installées, leur permet alors de montrer qu’ils « agissent »… même quand cette action se révèle inutile et liberticide.

* * *

L’inefficacité de la vidéosurveillance pour assurer la sécurité est aujourd’hui démontrée par toutes les études scientifiques menées sur la question. La vidéosurveillance porte par ailleurs de graves atteintes aux libertés publiques et aux droits fondamentaux, en renforçant un sentiment général de surveillance, de suspicion et d’autocensure, en particulier pour l’opposition citoyenne et les mouvements sociaux. Symptôme d’une dérive sécuritaire qui n’a que trop durée, le recours à cette technologie doit être abandonné.

Concernant le projet de Grabels, notons enfin qu’aucun élément concernant le niveau de faits délictueux sur la commune n’a été rendu public. Les seules statistiques disponibles, datant de 2019, témoigneraient plutôt d’une baisse considérable du nombre d’infractions commises sur la commune : « Selon les chiffres des gendarmes, les agressions faites aux personnes sont en diminution massive. La délinquance automobile en baisse de 30 %, comme les cambriolages ; l’insécurité est plus faible qu’il y a dix ans »[9].

La nécessité de recourir à un tel système n’est donc étayée par aucun élément tangible.

Le droit français [10], le droit européen [11] et la jurisprudence [12] prévoient pourtant qu’une évaluation de la nécessité et de la proportionnalité de tout dispositif de vidéosurveillance envisagé doit être réalisée avant son implantation. Cette obligation légale est d’ailleurs régulièrement rappelée par la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) [13].

* * *

En tout état de cause, la LDH et le collectif Technopolice Montpellier considèrent que la décision de déployer ou non la vidéosurveillance doit revenir aux premières personnes concernées, à savoir les habitants et habitantes de Grabels.

C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser une réunion publique sur ce projet. Nous invitons les habitantes et habitants de Grabels, ainsi que toute personne intéressée par ces questions, à venir échanger et débattre de la pertinence et des impacts de la vidéosurveillance.

On vous regarde ? Ça vous regarde ! Alors venez vous faire entendre !


Réunion publique sur la vidéosurveillance


Vendredi 18 novembre 2022 à 18h30


Salle de la Gerbe


Rue de la Gerbe – 34790 Grabels

  • [1] Cour des comptes, Les polices municipales, Rapport public thématique, octobre 2020, p. 70 : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-polices-municipales
  • [2] Le Monde, « Une étude commandée par les gendarmes montre la relative inefficacité de la vidéosurveillance », 22 décembre 2021 :https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/22/une-etude-commandee-par-les-gendarmes-montre-la-relative-inefficacite-de-la-videosurveillance_6106952_3224.html
  • [3] Le Monde, « La vidéosurveillance est-elle efficace ? », 17 mai 2018 : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/ 2018/05/17/la-videosurveillance-est-elle-efficace_5300635_4355770.html
  • [4] France 3, « Millau : 24 personnes, reconnues par des caméras de vidéo-surveillance, jugées pour avoir manifesté », 29 avril 2021 :https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/aveyron/rodez/millau-une-vingtaine-de-personnes-reconnues-par-des-cameras-de-video-surveillance-jugees-pour-avoir-manifeste-2067952.html
  • [5] P. Robert & R. Zauberman, Du sentiment d’insécurité à l’État sécuritaire », 2017.
  • [6] La Quadrature du Net, « Qu’est-ce que la vidéosurveillance algorithmique ? », 29 mars 2022 : https://technopolice.fr/blog/quest-ce-que-la-videosurveillance-algorithmique/
  • [7] La Quadrature du Net, « Pourquoi s’opposer à la vidéosurveillance algorithmique ? », 6 avril 2022 : https://technopolice.fr/blog/pourquoi-sopposer-a-la-videosurveillance-algorithmique/
  • [8] https://technopolice.fr/montpellier/ ; Mediapart, « Des algorithmes au coin de la rue, ou le nouveau business de la vidéosurveillance automatisée », 8 mai 2022 : https://www.mediapart.fr/journal/france/080522/des-algorithmes-au-coin-de-la-rue-ou-le-nouveau-business-de-la-videosurveillance-automatisee
  • [9] Midi Libre, 13 octobre 2019 : https://www.midilibre.fr/2019/10/13/quartier-de-la-valsiere-a-grabels-on-a-peur-au-quotidien-a-19-h-30-on-ferme-les-volets,8474270.php
  • [10] Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 62.
  • [11] Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 sur la protection des données (RGPD), art. 35.
  • [12] Cour d’appel administrative de Nantes, 13 novembre 2018, n° 17NT02743.
  • [13] Délibération CNIL n° 2018-326 du 11 octobre 2018 portant adoption de lignes directrices sur les analyses d’impact relatives à la protection des données (AIPD) prévues par le RGPD.