Marseille : prise de parole du 16 mars contre la « loi sécurité globale »

(Discours des représentants de La Quadrature du Net à une conférence de presse unitaire, tenue devant la préfecture des Bouches-du-Rhône)

On est là aujourd’hui, jour où la loi de Sécurité Globale est présentée en plénière au Sénat, et sera débattue et votée pendant trois jours. 

On est là de retour dans la rue, après avoir vu l’Assemblée Nationale adopter cette loi liberticide, anti Constitutionnelle.

On est là aujourd’hui, de retour dans la rue, après avoir vu l’Assemblée Nationale adopter la loi « séparatisme », après avoir vu le gouvernement imposer des décrets de fichage massif de la population, qui nous visent clairement, nous manifestantes et manifestants.

On est là pour maintenir la pression, car la loi de Sécurité Globale a été récrite pour la forme, mais sans rien changer au fond. On est là pour maintenir la pression sur les sénateurs et nos dirigeants, pour qu’ils mettent un coup d’arrêt définitif à ce texte.

Le Parlement : à la fois soumis et contourné

On a cru éviter le pire au Sénat. Plusieurs amendements avaient été déposés par les Républicains pour que tous les visages filmés par les 75 000 caméras de vidéosurveillance françaises puissent être détectés automatiquement sur simple autorisation du Premier ministre, afin de retrouver des personnes fichées. Finalement, ils ont été repoussés. Il faut s’en réjouir.

De même, nous avons obtenu une autre petite avancée, même si elle est fragile et susceptible d’être renversée à l’Assemblée nationale : les sénateurs et sénatrices se sont mis d’accord pour prohiber le couplage des drones de surveillance avec la reconnaissance faciale.

Pour autant, en vertu de l’article 21 de la proposition de loi, le couplage de la reconnaissance faciale et de la vidéosurveillance reste possible pour les caméras piétons portées par les policiers. Et dans le même temps, les sénateurs et sénatrices ont rejeté un amendement instaurant un moratoire de deux ans sur l’utilisation de la reconnaissance faciale en lien avec les dispositifs de vidéosurveillance.

On a cru éviter le pire. Mais on oubliait à quel point, dans ce pays, le Parlement est avant tout une chambre d’enregistrement pour les desiderata gouvernementaux. Et alors que le Sénat finalisait ses travaux, le gouvernement a adopté, le 10 mars dernier, un décret autorisant l’usage d’algorithmes pour détecter automatiquement le non port du masque dans les transports — une des nombreuses applications de la vidéosurveillance automatisée, contre laquelle nous nous battons depuis des mois dans le cadre de la campagne Technopolice.

Cette légalisation par décret de mesures expérimentées en juin dernier par la RATP avec l’entreprise Datakalab est conforme à la stratégie du gouvernement : procéder par petites touches pour installer petit à petit la surveillance biométrique dans nos villes et dans nos vies. Procéder par petite touche, pour banaliser des technologies incompatibles avec les formes de vie démocratique. C’est la stratégie de la disruption chère à la startup nation, appliquée aux technologies de contrôle policier : on expérimente d’abord, on légalise le plus tard possible lorsqu’on ne peut plus faire autrement.

C’est pourquoi nous demandons solennellement au Sénat d’adopter l’amendement de la gauche, rejeté en commission mais qui sera de nouveau présenté en séance plénière. Celui-ci instaurerait un moratoire contre toute forme de surveillance biométrique en lien avec la vidéosurveillance. Un moratoire est insuffisant en tant que tel, mais il nous permettra de gagner du temps. Gagner du temps pour tenir en échec la stratégie d’un gouvernement qui s’assoit sur le Parlement et est prêt à tout pour imposer sa fuite en avant autoritaire.

La nouvelle majorité municipale à Marseille : une inertie coupable

La vidéosurveillance, que ces lois liberticides tentent encore et toujours de répandre, elle est déjà partout autour de nous, elle a envahi nos villes. À Marseille, 1500 caméras dans toute la ville. Avec en prime un projet de vidéosurveillance automatisée (VSA) pour analyser nos comportements et envoie des alertes automatiques au centre de supervision.

Certes, ces projets ont été instaurés par la mairie précédente. Mais nous avons eu des élections il y a un an, nous avons de nouveaux élus depuis plus de six mois. Ces élus, avant les élections, nous avaient promis un moratoire, nous avaient parlé d’assises citoyennes de la sécurité, de concertations avec la population, de gestion des problèmes sociaux et vitaux.

Qu’en est-il aujourd’hui ? La mairie actuelle a renouvelé en décembre dernier le marché de vidéosurveillance de la ville, un marché qui doit coûter entre 12 et 44 millions d’euros pour les 4 ans à venir. Le moratoire, où est-il ? On peut y lire (page 6 et 7) que ce marché couvre la maintenance du parc existant de 1500 caméras, mais aussi son « amélioration,  en répondant  ponctuellement   et/ou temporairement à un besoin spécifique …  mais aussi en développant de nouveaux usages divers », et « l’installation ponctuelle et/ou temporaire de nouveaux points de captation avec ses capteurs vidéo … », donc de caméras.

À La Quadrature du Net, en décembre dernier, nous avons déposé un nouveau recours devant le Tribunal Administratif de Marseille contre la vidéosurveillance automatisée de la ville. La ville, par l’intermédiaire de médias, nous a dit avoir suspendu le marché de VSA. Aucune autre précision, aucune assurance de cette suspension. Nous apprenions il y a quelques jours que la ville venait d’embaucher un cabinet d’avocats parisiens pour défendre sa VSA devant la justice administrative.

Où est-elle, la suspension sur le traitement automatique des images ? Où est-il, le moratoire sur l’installation des caméras ? La concertation citoyenne, où est-elle ? Nous sommes là, nous manifestons aujourd’hui et depuis des mois contre ces dispositifs que cette loi de Sécurité Globale va démultiplier. Nous le disons haut et fort : ces gadgets techno-sécuritaires, on en veut pas ! Comment faut-il le dire ? Cet argent, celui du marché de la vidéosurveillance qui se chiffrent en millions d’euros, celui prévu pour le cabinet d’avocats parisiens, nous en avons besoin ailleurs, pour nos écoles, pour nos logements, pour nos jeunes, pour nos étudiants, pour nos cités, pour notre population en difficulté.