Le 20 octobre dernier, le groupe LaREM a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi « relative à la sécurité globale ». Se fondant sur un rapport parlementaire de 2018, le texte propose notamment de renforcer les pouvoirs de la police municipale. Surtout, il traite de plusieurs domaines en lien avec la campagne Technopolice : légalisation de l’usage des drones à des fins de surveillance, possibilité de transmettre en temps réel les images des caméras-piétons à un centre de commandement (et donc de faciliter l’analyse automatisée de ces images), pénalisation de la dénonciation publique des violences policières, extension de la liste des personnes habilitées à installer de la vidéosurveillance et à en visionner les images… Un grand nombre de mesures qui risquent de porter un nouveau coup à nos libertés en favorisant, encore un peu plus, la surveillance de masse.
Par ailleurs, si rien n’est encore prévu sur la surveillance algorithmique, on peut craindre que des amendements soient rapidement déposés sur ce sujet. Il suffit de voir les discours portés il y a deux ans par les deux rapporteurs du texte, Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, pour craindre le pire. Ces derniers considéraient ainsi déjà que la reconnaissance faciale « pourrait être utile, par exemple pour repérer une personne recherchée qui passerait dans une gare ».
Les auditions prévues sur cette proposition de loi par les rapporteurs inquiètent encore davantage. Le passage en commission des lois étant prévu début novembre, les rapporteurs ont commencé leurs auditions cette semaine. Parmi les auditionnés se trouve une association de collectivités, « France Urbaine », dont l’un des représentants est Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne qui voulait il y a un an installer une cinquantaine de micros dans un quartier pauvre de sa ville. On trouve aussi le Comité d’organisation des Jeux Olympiques, dont le responsable sécurité, Thomas Collomb, répète à longueur de temps vouloir utiliser pour 2024 de nouvelles technologies de surveillance, d’identification ou de contrôle d’accès. Ou l’AN2V, l’un des principaux lobbys de vidéosurveillance en France. Ou la RATP, qui se sert depuis plusieurs années de la station Châtelet comme laboratoire d’expérimentation de la surveillance algorithmique. Et évidemment, la Direction générale de la police nationale, la Direction générale de la gendarmerie nationale, et plusieurs syndicats de police. Bref, un panel d’organisations qui militent pour la plupart régulièrement pour le développement d’outils de surveillance de masse.
Côté associations de défense des libertés ou société civile, il n’y en a qu’une seule, Amnesty International, qui n’aura que 45 minutes pour dénoncer les dangers de cette proposition, coincée entre la RATP et la Délégation à la sécurité routière. Lorsque La Quadrature du Net (qui est habituellement consultée sur ce type de sujet) a demandé à être auditionnée, il lui été a refusée une audition orale, en nous demandant d’envoyer seulement une « contribution écrite » dans les meilleurs délais. Autrement dit : les rapporteurs ne veulent entendre, à part Amnesty, qu’un seul discours : celui promouvant l’industrie sécuritaire [1].
Notons enfin que la présence de la CNIL dans les organisations auditionnées est loin de nous rassurer. Il est difficile de croire que sa timidité sur le sujet de la surveillance pourra être un frein aux velléités sécuritaires des responsables de cette proposition de loi.
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[1] Notons que ce problème avait déjà pu être récemment constaté par d’autres voix s’agissant de la commission d’enquête parlementaire sur la police : https://www.streetpress.com/sujet/1602765598-ceux-critiquent-pratiques-policieres-blacklistes-assemblee-nationale