Ce vendredi 1er avril paraissait dans le journal satirique marseillais Le Ravi un article mettant au jour l’acquisition par la mairie d’un logiciel de vidéo-surveillance automatisée visant à faire respecter le respect de la zone à faible émission. Un poisson d’avril, mais la réalité n’est pas si éloignée…
Le canular publié le 1er avril en collaboration avec Le Ravi visait à mettre en lumière les dérives technologiques rendues possibles par le patrimoine de caméras de vidéosurveillance hérité de l’ancienne municipalité, mais que la mairie de Marseille a décidé de continuer à maintenir et éventuellement, d’étendre.
Le collectif Technopolice de Marseille souhaite rappeler à la nouvelle majorité de la Mairie de Marseille ses engagements pré-électoraux quant à la vidéosurveillance :
« Mettre en œuvre un moratoire sur les dispositifs de vidéosurveillance. Quatre études nationales successives ont démontré leur inefficacité, et ils sont très coûteux (installation, fonctionnement, personnel mobilisé) »
Un audit sur les caméras de vidéosurveillance a été effectué et un rapport a été rendu à la mairie en octobre 2021. Certaines de ses conclusions ont été révélées dans La Provence, mais le rapport n’est toujours pas public et aucune réponse aux demandes d’accès à ce document (demandes CADA) n’a été faite par les services de la mairie à ce sujet. De plus, Marsactu révélait que des expérimentations de vidéosurveillance automatisée (dite “vidéo-protection intelligente”) prétendument suspendues sont finalement maintenues dans la plus grande opacité.
Le collectif Technopolice Marseille demande l’arrêt immédiat de ces dispositifs « expérimentaux » critiqués sévèrement par la CNIL elle-même, et attaqués en justice en ce moment même par la Quadrature du Net. Le collectif demande également de rendre entièrement publiques les autres technologies (et leur coût) utilisées pour traiter les images de vidéosurveillance qui captent 24h/24h les faits et gestes des Marseillaises et Marseillais. La communication sur ces technologies permettra un débat démocratique et éclairé sur les libertés fondamentales bafouées par ces dispositifs «expérimentaux ». Les habitant·e·s pourront se faire un avis sur leur envie de maintenir, retirer ou développer ces technologies de surveillance.
Nous demandons depuis leur élection au Printemps Marseillais de ne pas se laisser imposer les thèmes de la sécurité et de la surveillance par une droite en quête de visibilité, à laquelle une certaine gauche électoraliste cède de plus en plus de terrain. Il est grand temps de réagir autrement et de proposer de vraies alternatives sociales et humaines au techno-solutionnisme sécuritaire et répressif de la droite et de l’extrême droite. Les Marseillaises et Marseillais vous attendent sur d’autres thématiques : urgence climatique, logement, école, infrastructures sportives et culturelles, transparence publique, concertations réellement démocratiques.
Ce canular visait également à alerter les Marseillaises et Marseillais de l’étendue du dispositif de surveillance en place actuellement. Bien que ce type de logiciel ne soit pas à l’étude (nous l’espérons), il est largement déployés dans des dizaines d’autres villes en France et il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui, Marseille et son parc de 1558 caméras se placent directement derrière Nice en terme de vidéo-surveillance. Les projets de prototype de police prédictive et l’expérimentation de la vidéo-surveillance automatisée entamés par la majorité précédente n’ont pas été freinés, mais bien au contraire continuent à se déployer en toute opacité et illégalité.
Quelques points sur la vidéo-surveillance automatisée à Marseille :
- Ce sont des millions d’euros chaque année pour une ville endettée, 7 millions d’euros par an, seulement pour faire fonctionner et entretenir ces caméras !
- C’est une accumulation de technologies répressives contestables qui n’ont jamais prouvé leur efficacité (au contraire).
- Cela renforce des discriminations, notamment racistes déjà présentes, comme l’ont déjà souligné plusieurs études et un rapport de la CNIL. À Marseille en 2013 certaines caméras ont été implantées pour surveiller les « Roms » ou « gens du voyage » !
- Ce n’est pas de la « vidéo-protection intelligente » : les caméras verbalisent sans discernement et ont donné lieu à de très nombreuses erreurs. L’automatisation n’est pas un procédé neutre et en dehors du monde social, mais transporte avec elle les représentations et normes de celui-ci. [8]
- C’est une réponse fallacieuse et paresseuse à des problématiques bien plus complexes.
- C’est un pas de plus vers un modèle de société régie par la peur, où chaque personne se méfie des autres, à l’instar du crédit social Chinois.
- C’est céder à la pression des lobbies de l’industrie sécuritaire, prêts à tout pour imposer leurs solutions militaires à des problèmes humains.
Nous souhaitons une transparence totale sur les dispositifs mis en place et leur fonctionnement, afin d’avoir un débat démocratique sur la nécessité ou non de la mise en place de ces technologies.
Lire notre dossier sur la vidéo-surveillance à Marseille.
- [1] Les curieux·ses l’auront peut-être remarqué dans le poisson d’Avril : Koalemos, le nom du logiciel de vidéo-surveillance automatisée, est en réalité le nom d’un dieu grec, celui de la Stupidité.
Les entreprises cherchant à vendre leurs solutions de vidéo-surveillance et d’espionnage aiment à se prétendre de l’intelligence et de l’antiquité grecque (Thalès, Pegasus, “Smart-city”…).
Si nous leur laissons volontiers l’antiquité, nous ne saurons leur concéder l’intelligence.
photo d’illustration @douceurXtreme