Occitanie sous surveillance

Nous republions ici un texte initialement paru sur l’Empaillé, un journal régional indépendant d’Occitanie

De Toulouse à Rennes-les-Bains, la vidéosurveillance se répand dans chacun de nos espaces. Les maires se justifient par des discours qui étaient autrefois réservés à l’extrême droite. Dès lors, l’opposition aux caméras est-elle un combat perdu d’avance ? Tour d’un horizon qui se referme et de quelques éclaircies.

Neuf heures du matin, standard de la préfecture du Tarn : « tapez 1 pour les titres de séjour… tapez 4 pour les démarches concernant les armes à feu, tapez 5 pour les démarches concernant les dossiers de médailles » C’est bien la première fois que j’entends ces choix ! Impossible d’avoir quelqu’un, je vais dans le Gard : « Bonjour je souhaiterais savoir combien de communes ont des caméras ». Une dame un peu gênée : « Ah je sais pas si j’ai le droit de vous donner les chiffres, appelez le service communication ». Le « responsable du service de la communication interministérielle du cabinet de la préfecture Pour quel journal ? Vous l’écrivez comment ? ». Sur treize préfectures contactées, seules deux répondront.

Vidéo-sécurité

Je glane méthodiquement les traces de ces mouchards dans la presse de Baylet. Étonnamment, je constate que la majorité des communes n’ont pas de système de vidéosurveillance, il est donc encore temps de stopper cette hérésie vidéo-sécuritaire. En Aveyron, 13 communes seraient concernées sur les 285 du département. En Ariège, 27 communes sur les 327 déclarent avoir ces dispositifs. Le Lot compte 171 caméras dans 7 communes sur 313. En Lozère, 16 communes sur 152 vont être équipées. Certains départements sont plus touchés : dans l’Aude, entre 450 et 650 caméras sont présentes dans 73 communes sur les 433 que compte le département. La préfecture du Gard me donne le chiffre de 1450 caméras dans 70 communes des 351 existantes, et celle des Hautes-Pyrénées comptabilise 275 caméras dans 25 communes sur 469.

Sans surprise, un classement de La Gazette des communes nous apprend que les départements ayant voté Le Pen en 2017 sont les plus dotés en caméras. Après les Bouches-du-Rhône (1ère place), on trouve donc l’Hérault en 7ème position et le Gard en 13ème position. Néanmoins, des mairies de « gauche » ont depuis longtemps tourné casaque. La sécurité est la première des libertés : ce refrain d’extrême droite trouve de l’écho chez le magnat de presse J-M Baylet, maire de Valence d’Agen, qui justifie ainsi ses 30 caméras. Selon lui, il est insupportable « qu’on laisse à l’extrême droite le champ libre sur ces questions. Dès la Constituante en 1790, les députés de l’époque ont affirmé que la République devait à ses enfants l’ordre et la sécurité et, que je sache, Danton, Robespierre, Saint-Just et consorts n’étaient pas des gens d’extrême droite. » (1). Cet argument est battu en brèche par l’ancienne juge Anne-Laure Maduraud, puisqu’en 1789 on ne parle pas de sécurité mais de « sûreté ». D’après elle, « le droit à la « sûreté » consacré par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est à l antipode du droit à la sécurité tel qu’entendu dans le slogan démagogique en vogue. Il est en effet conçu comme une garantie individuelle de tout citoyen contre l’arbitraire de l’État » (2). Baylet est aussi objectif en histoire que dans sa presse !

Vivre sans caméras

Ce raz-de-marée sécuritaire se poursuit malgré toutes les études démontrant l’inefficacité et la dangerosité de la vidéosurveillance pour le vivre-ensemble. La Cour des comptes a mené une enquête dans 57 villes françaises. Dans son rapport de 2020, elle est sans nuance : « aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéo-protection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation ». Dans une étude réalisée pour l’École des Officiers de Gendarmerie de Melun, le chercheur Guillaume Gormand explique que seulement 1,13% des enquêtes ont bénéficié des caméras et que leur présence « n’empêche pas les délinquants de passer à l’acte » (3). Le journaliste Hubert Guillaud ajoute que les caméras se déploient « à la place d’une offre de sociabilité et de cohésion sociale (…) qui serait peut-être plus utile pour développer un sentiment de sécurité et une meilleure sociabilité. [La vidéosurveillance] n’a eu aucune action sur le vivre-ensemble, au contraire : elle semble plutôt en aiguiser l’intolérance » (4).

Heureusement certain.es résistent à ce matraquage sécuritaire. Dans le Tarn, Carmaux a tenu jusqu’à son changement de majorité en 2021 : « Je ne veux aucune caméra qui surveille en permanence mes concitoyens. Le dossier est clos. On vit très bien sans », déclarait l’ancien maire Alain Espié. À Argelliers dans l’Hérault, un référendum a suspendu le projet. À Auch dans le Gers, un collectif d’une cinquantaine de personnes s’est formé en février 2021. Déguisés en vigiles et armés de caméras, les manifestant.es entendaient faire une haie d’honneur aux conseillers. À Perpignan et à Toulouse (cf p.) des opposant.es ont mis en place des cartes collaboratives afin de recenser les centaines de caméras installées dans leur ville.

À Foix, un dispositif de dix caméras est en projet, initié par un maire qui se dit « militant de la liberté » (sic). Lors d’une rencontre avec le collectif d’opposants, Georges me confie qu’il a « l’impression qu’aujourd’hui tu passes pour un bouffon si t’es une préfecture sans vidéosurveillance. C’est un truc aussi idiot que ça qui se joue ». Pour sa part, Camille s’étonne que « pour un si petit endroit [les flics] sont tout le temps en train de rôder. Cela peut donner l’impression qu’il y a des trucs qui se passent ». Le collectif s’active avec des tractages, des collages, une présence massive en conseil municipal et une pétition signée par plus d’habitant.es que le nombre d’électeurs du maire.

Vidéo-répression

Les élu.es le chantonnent la bouche en cœur : la vidéosurveillance a pour seul but de s’attaquer « aux incivilités » et n’a pas vocation à être utilisée à des fins de répression politique. Cette antienne ne résiste pas aux faits. Après deux manifestations pour la défense des services publics à Millau en mai 2020, 40 personnes reçoivent des amendes à distance. Le commandant de police confirme que « la vidéoprotection est un des moyens que nous avons utilisé pour procéder à l’identification de ces personnes ». L’officier du ministère public refuse de prendre en compte la contestation des amendes, provoquant des saisies sur compte jusqu’à 1000 euros, lançant ainsi une guérilla judiciaire. Benoît des « Amendés de mai » m’explique que « c’est quand même assez fou dans notre société que des accusés soient obligés de demander pour passer au tribunal ! ». Daniel précise que dans le procès-verbal un amendé est qualifié de « personne connue de nos services pour être sur la liste Alternative Écologique et Anticapitaliste lors des élections municipales de mars 2020 ». Les caméras ont donc servi à ficher et sanctionner politiquement des manifestant.es.

Contre ces dispositifs, certain.es emploient des méthodes plus radicales. À Toulouse, dans les quartiers des Izards, Bellefontaine et Reynerie, des caméras ont été vandalisées : « Ce n’est pas de l’incivilité, c’est du sabotage » nous dit Emilion Esnault, adjoint à la sécurité à la mairie de Toulouse. À Alès, 167 caméras installées, on en compte 20 de moins : « Avant, on cassait, on démolissait en voiture ou on brûlait mais maintenant c’est pire, c’est à l’arme à feu », déclare dépité, le maire Max Roustan. À Nîmes dans le quartier Pissevin, l’un des plus pauvres de France, une quinzaine de caméras ont toutes été détruites avant d’être réinstallées, puis détruites à nouveau. Contraindre une population à vivre de boulots précaires, les ghettoïser, puis venir leur mettre des caméras sous le nez, n’est-ce pas indécent ? Faut-il s’étonner des destructions ?

Des mouchards volants

Jusqu’ici, les études ou la contestation des caméras sur le terrain n’y font rien : la vidéosurveillance semble poursuivre sa route inexorablement. Pire, la voilà qui se déploie dans les airs. À rebours de la notion révolutionnaire de « sûreté », le Conseil Constitutionnel valide en janvier 2022 l’usage des caméras sur drones. Selon l’association La Quadrature du Net, elles pourront être déployées sans qu’aucun juge ne les contrôle, au cours de manifestations pouvant être « susceptibles d’entraîner des troubles graves à l’ordre public ». Les images captées seront envoyées en temps réel au centre de commandement et pourront être analysées par des logiciels de reconnaissance faciale, en utilisant les neuf millions de photos du fichier TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires). L’association met aussi en avant le fait que la transmission en temps réel au centre de commandement des images des caméras-piétons de la police a pour but de faire de la reconnaissance faciale, grâce à ce même fichier qui a déjà été utilisé 375 000 fois en 2019 avec les caméras fixes ! « Avec les drones et les caméras-piétons, à combien cela va-t-il monter ?» questionne-t-elle. D’autant que la 5G va venir en support de cette volonté de flicage généralisé : 70 % du déploiement mondial serait en effet consacré à la vidéosurveillance.

Le cynisme et la violence, ce sont les sensations qui me reviennent à la lecture des justifications des élu.es. Comme celle de ce Directeur Général des Services d’une commune autour de Toulouse, parlant des jeunes de sa ville : « On les emmerde, croyez-le bien. Mais est-ce que les caméras nous apportent moins de sinistralité ? En l’occurrence, non. La vidéosurveillance sur ce quartier sert surtout à apaiser le sentiment d’insécurité des habitants. C’est avant tout un choix et un outil de communication politique. » (5). Il est grand temps d’en finir avec ces discours et de lever les yeux vers ces engins de malheur en passe de couvrir tout le territoire.

« Filmer pour mieux diviser »

Morceaux choisis de notre entretien avec Nathalie, Jonathan, Joëlle et Fabienne, du collectif contre la vidéosurveillance à Marcillac-Vallon en Aveyron.

En novembre 2020, toute vie associative est en suspens et les élu.es en profitent : le conseil municipal de ce village de 1700 habitant.es délibère pour installer des caméras aux poubelles et aux entrées de l’école maternelle. Un collectif se constitue et des dizaines de banderoles sont accrochées aux façades des maisons : « Vieillir sans caméras », « Pour un village sans caméras » ou encore devant l’école, « Ne manges plus tes crottes de nez, t’es filmé ! ». Il médiatise son opposition et celle des délégués de parents d’élèves jusque dans la presse nationale et à travers une pétition signée par 2900 personnes. Il maintient la pression à chaque conseil municipal et distribue trois tracts dans toutes les boîtes aux lettres. Reniant ses déclarations, le maire M. Périé se passera de la seconde délibération promise, pour installer cinq caméras en catimini en octobre 2021. Cet ancien directeur financier de la multinationale Henkel annonçait pourtant deux mois plus tôt « surseoir » à la pose d’une partie des caméras, suite à la mobilisation du collectif. Lâche rien, quarante habitant.es et un syndicat portent plainte. Ils et elles se basent sur la jurisprudence du tribunal de Nantes qui a fait enlever 19 caméras à la commune de Ploërmel en 2018, jugeant le dispositif disproportionné. Puis, à la surprise générale, deux caméras sont vandalisées. Le Canard Enchaîné ironisera sur ce sabotage, proposant à M. Perié : « Vite, des caméras pour surveiller les caméras ! ».

Jonathan : « Il y a un fantasme sécuritaire auquel on s’oppose, une dérive que l’on n’a pas envie de voir pointer et s’auto-légitimer. Les caméras sont délétères, elles génèrent un climat de tensions et elles ne correspondent à rien par rapport à la vie d’un village. On invente ou on grossit des incivilités, on les flatte, on met cela dans la tête des gens, puis cela permet ensuite de justifier la présence de caméras. On se rassure, on fait comme si on avait besoin de se rassurer, on fait comme si on était rassuré. On s’invente un monde, on s’invente aussi des ennemis, on s’invente ensuite une façon de se rassurer, mais il n’y a rien qui marche, c’est complètement inopérant, c’est incongru et cela fait marcher la raison humaine dans le mauvais sens. On est rassuré si on a peur, mais la peur ne vient pas de nulle part, elle est flattée, on a instillé une peur, on est le pompier pyromane. On ne peut pas chercher à rassurer à tout prix. »

Nathalie : « Lors de la distribution des sacs poubelles, les élu.es ont demandé aux gens qui venaient s’ils seraient d’accords pour avoir des caméras. Alors un sondage en voie directe avec une question d’un conseiller municipal à une personne : ça s’appelle pas un sondage, ça s’appelle quasi une intimidation. En fait, on habite ensemble, et vivre dans un village c’est vivre en communauté. Moi, j’entends mon voisin qui se lève, j’entends l’autre voisine qui écoute de la musique, je vois l’enfant qui passe et si y’a un enfant qui l’embête, je sors sur mon balcon lui dire « arrête de l’embêter ». Donc on doit décider ensemble et là en fait, c’est soi-disant des consultations de la population, mais c’est totalement arbitraire. »

Joëlle : « On est même inquiet par rapport aux enfants, parce que ce n’est pas anodin de mettre des caméras pour soi-disant les protéger en maternelle. C’est le lieu de socialisation, c’est l’âge où on est censé ouvrir les enfants aux autres, et qu’est-ce qu’on leur montre ? Pour les sécuriser, on ne leur dit pas de demander à la maîtresse, à l’Atsem, à la voisine, ou à la maman de machin, on leur dit qu’on a mis des caméras. »

Fabienne : « Il ne faut pas laisser croire aux enfants et aux générations à venir que tout va être réglé par des caméras et les habituer à être fliqués, à être surveillés dans la vie. Est-ce qu’on surveille ses enfants 24 heures sur 24 ? C’est pas possible et c’est important que les enfants se construisent dans des moments de liberté où ils peuvent expérimenter des choses aussi. C’est ça l’apprentissage. Ici, On est donc des petits résistants gaulois en disant qu’on veut juste vivre une vie qu’on a connue, selon nos âges, beaucoup plus libre, et on a envie que nos enfants soient élevés avec cette liberté qu’on défend. On voit bien qu’on doit résister contre une société qui veut contrôler le gamin, pour l’habituer à être contrôlé plus tard. On estime que vivre en société ce n’est pas vivre sous contrôle, c’est vivre avec des liens sociaux ».

Nathalie : « On pourrait rappeler à M. le Maire qu’être républicain c’est respecter liberté, égalité et fraternité. [Dans la presse, le maire a accusé le collectif de sortir « du cadre républicain »]. Et là, il touche gravement à la fraternité puisqu’il monte les citoyens les uns contre les autres. Il touche à la liberté parce qu’on n’a absolument pas besoin d’être surveillés pour avoir de la bienveillance et pour vivre ensemble, et à l’égalité car il ne nous donne pas le droit à la parole et il ne nous entend pas. Donc moi je lui retourne le compliment, on attend de lui qu’il soit bien plus républicain. »

Occitanie : tournée du banquet sécuritaire

AVEYRON

Laissac 1500 habitant.es et 10 caméras. En 2011 il y aurait eu « des vols réguliers au monument aux morts ». Il faut aussi « protéger les infrastructures photovoltaïques. À un moment donné il faut prendre des mesures ! » déclare un élu. Des panneaux qui sont sur le Foiral à plus de 15 mètres du sol !

Rodez, 40 caméras. Le maire M. Teyssèdre déclare : « Je n’ai pas d’états d’âmes. S’il faut en mettre 200, j’en mettrai 200 ». Pascal Filoé, adjoint à la sécurité, rivé à son écran, acquiesce : « Nous pourrons surveiller la foule ».

Villefranche de Rouergue, 24 caméras en 2014. L’ancien maire Serges Roques annonce fier de lui : « ». Parlait-il des élu.es de sa majorité ?

La Cavalerie : Le maire Frédéric Rodriguez a installé deux caméras à reconnaissance thermique dans l’école de sa commune pour détecter les gastros et les grippes des enfants. Sur Europe 1, il déclare vouloir « éviter le rituel d’une prise de température sur le front, le maire le juge trop invasif, (il) a donc opté pour une caméra qui sonnera si elle repère un enfant à la température trop élevée. Le rectorat n’a pas été prévenu, ni même les parents d’élèves ».

AUDE

Rennes-les-Bains : 180 habitant.es et 7 caméras. Une conseillère municipale, Évelyne Codina, se justifie car « cela fait plusieurs années que des néo-ruraux, marginaux, viennent s’installer sur le territoire de la commune »

Coursan : Le maire pavane avec ses 22 caméras « en haute définition, qui lisent les plaques d’immatriculation et sont efficaces la nuit. Elles permettent d’avoir une répression plus efficiente par rapport aux incivilités telles que les déjections canines, les dépôts d’encombrants ». Enfin du cinéma expérimental !

ARIÈGE

La Tour-du-Crieu, 3200 habitant.es, 19 caméras, a un maire facétieux, Jean-Claude Crombes : « La vidéo-protection a remplacé la vidéosurveillance, l’une est faite pour protéger, l’autre pour surveiller. Je blague, c’est peut-être de la sémantique ».

HAUTE-GARONNE

Saint-Gaudens, 102 caméras. Elles sont utilisées pour dissuader les misérables de « la rue Victor Hugo où se sont installées des populations plus marginales. La question se pose de savoir si nous n’allons pas devoir installer des caméras de surveillance plus dissuasives. » « Il était temps » lance Yves Louis de la liste Saint-Gaudens, Autrement, rassemblant des militant.es PS-PRG-PCF et menée par cet ancien flic. Ou quand même l’opposition de « gauche » fait dans la surenchère…

Toulouse, 545 caméras d’ici 2023. « On le fait avec discernement, beaucoup de discernement », selon Emilion Esnault, l’élu en charge du dossier. Cette commune utilise des « caméras parlantes » pour « s’adresser aux contrevenants ». La mairie a signé un contrat avec IBM pour équiper 30 caméras d’intelligence artificielle. L’objectif est de générer « des alertes qui facilitent le repérage des anomalies détectées : mouvements de foules, bagages isolés, franchissement de barrières virtuelles en nord de Garonne, déplacements précipités, recherches de formes et de couleurs. ». En janvier 2022, la vidéo-verbalisation est généralisée. Des radars sonores sont associés à des caméras qui lisent les plaques, infligent 135€ d’amendes à ceux dépassant les 90 décibels. Du discernement donc, beaucoup de discernement.

HAUTES-PYRÉNÉES

Tarbes, 64 caméras et 7 hauts-parleurs. L’élu Roger-Vincent Calatayud avoue ne pas pouvoir « certifier qu’elles ont permis d’arrêter des délinquants mais il est certain qu’elles rassurent le citoyen ».

HÉRAULT

Lunel, 42 caméras. Son maire abdique : « Il y a des moyens technologiques, on les utilise. Ces solutions, je m’en passerais bien. Mais on ne sait plus comment faire ».

Béziers : 400 caméras sont reliées à 12 hauts-parleurs pour contrôler une tenue non-appropriée, pour vérifier le port des masques mais aussi pour faire la chasse aux déjections canines.

Montpellier, 650 caméras. Yannick Blouin, directeur départemental de la sécurité : « Pour les manifestations des Gilets jaunes qui durent depuis un an, il y a comme avantage les caméras piétons qui sont allumées sur les fonctionnaires de police pour bien filmer la réalité du terrain, tout est enregistré avec en bonus un bon maillage des caméras de vidéosurveillance de la Ville de Montpellier, grâce au Centre de supervision urbaine et l’aide précieuse de la police technique et scientifique » . Toute l’agglo est équipée du logiciel prédictif « Map Révélation ». Pour l’alimenter, le collectif Technopolice fondé par La Quadrature du Net explique que la ville communique à la police les enquêtes de victimisation, les interventions des services sociaux, les remontées des bailleurs sociaux, les mises en fourrière, l’absentéisme, l’atteinte aux personnes et aux biens à l’école, les événements d’insécurité provenant des services techniques et ressources humaines. Ce collectif dénonce cette logique : « Les quartiers les plus pauvres souffrant d’une présence policière excessive se retrouvent souvent sur-représentés dans les statistiques policières. Les algorithmes, qui se fondent sur ces données passées, vont donc les désigner comme lieux où la surveillance doit être renforcée, et donc perpétuer les biais existants ».

TARN-ET-GARONNE

À Montauban, 120 caméras et 15 nouvelles pour les écoles. Selon l’adjoint Claude Jean : « Avec leur zoom très performant, elles pourront voir des petits détails à quelques dizaines de mètres. Ces caméras permettent d’utiliser de l’intelligence artificielle ». Les flics sont aussi équipés de « Map Révélation », tout comme Agde dans l’Hérault.

GARD

Bagnols sur Cèze, 40 caméras et 800 000 euros pour des engins « en full HD » dont « certaines sont pilotables ». Youpi !

Nîmes 411 caméras. « Nous sommes prêts : dès que les logiciels [de reconnaissance faciale] seront autorisés, nous les utiliserons », dixit Richard Tibérino, adjoint à la sécurité. En 2015 est installé le système de reconnaissance de forme Syndex, mis au point par Briefcam. Selon une enquête de Sciences Critiques, le logiciel va pouvoir aller chercher des images selon les types et couleurs d’habits. La Métropole demande à s’équiper de caméras permettant « la détection de présence à l’intérieur d’une aire, d’un mouvement de foule, d’une personne au sol, d’un véhicule arrêté dans une zone interdite, le suivi automatique d’un individu, la détection de fumée, la détection de « signature sonore », la détection de maraudage et la détection de véhicule à contresens ».

LOT

Cahors, 40 caméras. Serge Munte, adjoint au maire en charge de la sécurité enquête « pour localiser un regroupement de marginaux ».

Figeac, 14 caméras « à 8 millions de pixels, en couleur, en capacité de lire des plaques d’immatriculation et dotées d’une reconnaissance faciale, de jour comme de nuit (…) Nous avons même créé un comité d’éthique » ajoute l’élue, sans gêne, Nathalie Faure.

Souillac, 65 caméras à terme, soit une 1 caméra pour 50 habitant.es, une proportion plus forte qu’à Nice !

texte : Loïc Santiago / Dessin : Julie

Dossier complet « Vidéo-surveillons les élu.es ! Tour d’horizon des caméras en Occitanie et des moyens de s’y opposer » sur le site du collectif de réflexion citoyenne sur les caméras de Marcillac, www.ccaves.org.

NOTES

  • 1 : La Dépêche, 24/02/22.
  • 2 : « La sécurité est la première des libertés : pour en finir avec une antienne réactionnaire », Animatrice de la Revue Délibérée, l’autrice a démissionné en 2021 de la magistrature.
  • 3 : Le Monde, 23/12/21.
  • 4 : Blog Le Monde.InternetActu, 2/06/18.
  • 5 : Médiacités, 10/02/20.