Le groupe Technopolice Marseille prend part à la mobilisation contre la société Eurolinks, dont l’usine est située dans le Nord de la ville et qui exporte ses « maillons » pour fusils-mitrailleurs en Israël (voir les reportages journalistiques parus récemment ici ou là). Alors que lundi dernier, 1er avril 2024, près d’un demi-millier de personnes ont répondu à l’appel à manifestation, nous reproduisons un texte produit dans le cadre de cette mobilisation.
Avec le collectif Technopolice, nous tentons de lutter contre l’envahissement des technologies de surveillance et de répression. Ici comme à Gaza, leurs usages se confondent et se nourrissent.
En dépit des mensonges propagés par la communication gouvernementale, les maillons de Eurolinks ne sont pas juste des « accessoires » destinés à des systèmes défensifs : ils permettent de relier les balles entre elles afin d’assurer une cadence soutenue de tir, à savoir tirer le plus de balles possibles par minute, voir par seconde, en fonction de l’arme utilisée. Donc de pouvoir tuer plus, et plus vite. « Sur la chaîne du génocide, il n’y a pas de petits maillons »…
L’industrie française est au cœur de la techno-guerre à Gaza
Tout comme comme ces maillons, de nombreuses technologies fabriquées par des entreprises françaises sont exportées à des régimes autoritaires et participent activement à un changement d’ampleur de la force de frappe des armées coloniales. Ce ne sont pas de simples « accessoires », mais de véritables pièces maîtresses « fabriquées en France » au cœur de la machine à tuer.
Plus largement, des entreprises françaises du complexe militaro-industriel et de la Technopolice, de même que les administrations publiques et le gouvernement qui les soutiennent, se rendent complices des massacres en cours à Gaza en apportant leur soutien à l’industrie israélienne de défense et de surveillance. En août 2023, Thales, entreprise leader de l’aérospatial et de la défense, implantée notamment à Gémenos près de Marseille et disposant de multiples partenariats de recherche avec des institutions publiques marseillaises, annonçait ainsi le rachat d’Imperva, société israélienne de cybersécurité. Récemment, des activistes en Belgique alertaient sur le fait que l’entreprise fabrique et envoie des drones de guerre à Gaza. De même pour Safran qui fabrique et envoie des armes en Israël.
Le « continuum de la sécurité » cher aux technocrates du secteur, c’est aussi cela : un marché globalisé de la violence létale qui permet à des entreprises françaises d’armer le génocide en cours en Palestine avec l’assentiment du gouvernement et au mépris du droit international. Ce sont aussi, en amont, des politiques de recherches européennes qui contribuent à la mise au point d’équipements utilisés par l’armée israélienne, à l’image des drones financés avec l’argent du contribuable européen.
Gaza est le terrain d’expérimentation des nouvelles technologies de guerre israéliennes
Depuis des décennies, Gaza est un terrain d’expérimentations en matière de répression assistée par ces dispositifs techno-guerriers. Avec le peuple palestinien comme « cobaye », Israël est un invité de marque dans les salons de l’armement de par le monde, et gage même aux acheteurs que son arsenal est « testé et approuvé sur le terrain ». Voici quelques exemples de drones, IA, caméras et autres dispositifs biométriques déployés en soutien et en complément à l’équipement militaire létal :
– Fichage et reconnaissance faciale pour déployer l’apartheid israélien envers la population palestinienne, comme en témoigne ce rapport d’Amnesty International daté de mai 2023. Voir aussi cet article du New York Times sur l’entreprise Corsight, dont les algorithmes de reconnaissance faciale sont employés en ce moment-même à Gaza.
– Dispositifs et tactiques de « gestion » des foules (vidéosurveillance algorithmique armement sonore ou chimique, nouveaux gaz lacrymogènes, adjuvants pestilentiels aux canons à eau…).
– Test de nouvelles armes balistiques ou de nouveaux équipements de protection des soldats colons, comme les chiens robots équipés de drones (voir l’article du Haaretz).
– Recours à divers programmes algorithmiques à base d’Intelligence Artificielle (IA), dont le programme « Habsora » qui vise à déterminer les cibles sur la bande de Gaza, et démultiplier les bombardements à une vitesse qu’aucune intervention humaine ne pourrait égaler, ainsi que le programme « Lavender » conçu pour identifier un très grand nombre de cibles à assassiner (37 000 Palestiniens seraient actuellement visés). Ce programme est couplé au logiciel « Where’s daddy ? » qui localise le domicile des personnes ciblées puis détermine à quel moment elles s’y trouvent afin de les bombarder avec leurs familles durant leur sommeil.
Utilisations et banalisation des technologies de surveillance et de répression en France
Les utilisations civiles et militaires de ces technologies sont poreuses. En France, les expérimentations techno-sécuritaires policières à visée répressive se multiplient et se banalisent, parfois grâce au concours d’entreprises israéliennes.
C’est notamment le cas en matière de vidéosurveillance algorithmique, expérimentés sur les caméras publiques et privées de nombreuses villes française depuis de nombreuses années et en toute illégalité — et ce bien avant le cadre récent de légalisation de la VSA pour les Jeux Olympiques. Parmi les entreprises phares du secteur en France compte l’israélien Briefcam, dont les technologies sont utilisées en toute illégalité par la police nationale française et par de nombreux services de police municipale, notamment à Marseille où Briefcam est présent au travers d’un contrat entre la ville et la SNEF.
L’industrie israélienne de la surveillance peut d’ailleurs compter sur l’appui d’une partie des élites politiques françaises, à l’image de Christian Estrosi, vice président de la Région Sud et maire de Nice, qui agit en véritable VRP comme le rappelaient récemment nos camarades de la LDH à Nice. Nice, où dès 2019 la ville déployait les algorithmes d’AnyVision, entreprise israélienne spécialiste de la reconnaissance faciale et active en Palestine, lors d’une expérimentation organisée à l’occasion du Carnaval de Nice.
Enfin et plus largement, les modes opératoires systématisés au Proche-Orient s’institutionnalisent en France. Ainsi de la reconnaissance faciale, utilisée par la police française via le fichier des Traitements des Antécédents Judiciaires (TAJ), dans lequel se trouvent 10 millions de personnes, parfois parce qu’iels ont été simplement témoins (voir la plainte Technopolice contre le TAJ).
Ainsi des drones de la police nationale, qui survolent désormais chaque manifestation et évènement festif sur la place publique en France (à Marseille récemment lors des matchs au Vélodrome, lors du Carnaval de la Plaine, lors de rassemblements, foires et autres marchés) et se déploient au quotidien dans nos quartiers, dans le cadre d’opérations policières anti-drogue censées « restaurer le cadre de vie » comme à La Castellane et à Air Bel ces derniers jours, à l’insu des habitantes et habitants et au bénéfice principal d’un gouvernement avide d’une communication cynique.
Ces modestes rappels sont là pour pour rappeler que, alors que les bombes pleuvent toujours sur Gaza, alors que le gouvernement français s’avère complice de l’État israélien par son laisser-faire diplomatique et son soutien actif à l’industrie de l’armement et de la surveillance, nous sommes solidaires des Palestiniens et Palestiniennes.