Alors que nous alertions il y a peu [1] sur l’utilisation à grande échelle de drones par les services de police pour contrôler l’application du confinement, le gouvernement semble avoir apprécié le déploiement inédit de ses nouveaux gadgets de surveillance. Le 10 avril dernier, un appel d’offres a été publié par le Ministère de l’Intérieur portant sur l’acquisition de plus de 650 drones [2].
D’après les estimations disponibles [3], cela correspondrait à un doublement du nombre de drones actuellement disponibles pour les forces de police. Alors qu’une récession sans précédent nous est annoncée et que les ressources de notre système de santé sont exsangues, ce sont 4 millions d’euros qui seront dépensés par l’État pour mieux assurer le contrôle de sa population.
Le coeur de cette commande porte sur 565 «micro-drones du quotidien». Le nom même de ces derniers trahit la volonté politique de banaliser la surveillance aérienne et de l’inscrire dans la durée. Leurs capacités techniques laissent pourtant entrevoir leur potentiel liberticide. Ces drones doivent en effet pouvoir permettre le suivi d’un individu… sans être détectés. Il est en effet spécifiquement demandé que ces derniers permettent une « discrétion visuelle et sonore » tout en assurant une capacité de « reconnaissance humaine à une hauteur de vol de 100 m ». Un tel objectif de discrétion est d’ailleurs en totale violation de l’obligation d’information des personnes filmées dans l’espace public [4]
Par ailleurs, 66 « drones de capacité nationale » et 20 «nano-drones» seront aussi mobilisés. Les premiers doivent permettre de suivre une cible de manière autonome située à 500 mètres, tandis que les seconds pèseront moins de 50g et seront difficilement détectables.
L’ampleur de cette commande révèle l’importance donnée à la Technopolice par l’Etat dans sa doctrine sécuritaire – et le drone apparaît en être un des outils principaux. Il semble donc en être de ces machines volantes comme cela l’a été pour tout nouveau dispositif de surveillance. Après une phase d’utilisations exceptionnelles suivie d’une expérimentation à grande échelle (quoi de mieux qu’un confinement pour cela? [5]), l’Etat profite d’un vide juridique pour les déployer massivement.
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[1] https://www.laquadrature.net/2020/04/01/covid-19-lattaque-des-drones/
[2] https://www.marches-publics.gouv.fr/app.php/consultation/562523?orgAcronyme=g6l
[3] https://www.liberation.fr/checknews/2020/04/15/pourquoi-le-ministere-de-l-interieur-vient-il-de-commander-des-drones_1785166
[4] https://www.cnil.fr/fr/la-videosurveillance-videoprotection-sur-la-voie-publique
[5]Le ministère de l’Intérieur assure toutefois que la commande n’a rien à voir avec l’actualité : «Cet appel d’offres est sans lien avec la situation sanitaire actuelle, l’expression de besoin et les spécifications techniques ayant été consolidées au cours du second semestre 2019.»