Ce texte resitue la prise de parole de Technopolice Marseille à la conférence de presse de la coordination anti-JO à Marseille, le mardi 7 mai 2024, à la veille de l’arrivée de la flamme olympique dans la citée phocéenne.
Les Jeux Olympiques constituent un gigantesque accélérateur de surveillance, un grand terrain de jeu pour la police et ses prestataires technologiques.
L’« événement » que constitue l’arrivée de la flamme à Marseille l’illustre à lui seul compte tenu du déploiement de forces de sécurité d’une ampleur sans précédent, qui montre bien à quel point ce qui est présenté comme une fête grande fête sportive et populaire est avant tout un grand événement policier. À Marseille demain, 6000 policiers dont 3000 CRS seront déployés, la moitié des forces mobiles du pays y seront concentrées.
L’accès aux Vieux Port sera contrôlé par onze points de filtrage avec « palpations de sécurité, inspection visuelle, fouille des véhicules et des bagages » dans le cadre des « périmètre de sécurité » hérités de l’état d’urgence… Comme un prélude aux QR codes qui feront leur retour cet été dans la capitale pour avoir le droit de circuler. Et à Marseille toujours, un recours aux hélicoptères, aux drones de surveillance aériens ou sous-marins sera de mise.
Ce premier grand événement lié aux Jeux illustre aussi la répression et la surveillance des mouvements militants qui prolifère. C’est une politique largement assumée de 2019 qui s’est particulièrement illustrée ces derniers mois en visant les mouvements écologistes, syndicaux, pro-palestiniens, et qui s’intensifie encore à l’occasion des JO. En témoigne l’activité démultipliée des services de renseignement, notamment vis-à-vis des collectifs militants qui voudraient faire valoir leur opposition à ces jeux policiers et capitalistes bien plus que sportifs. Mais aussi le relèvement du quota des interceptions des communications par les services de renseignement, décidé par le gouvernement.
En témoigne aussi les interdictions multiples ciblant notamment les contestations citoyennes aux JO, de cortèges, de rassemblement. de bannières, de drapeaux, et de toute forme d’expression et de revendication. Il y a aussi les enquêtes administratives dites de « criblage » de près d’un demi-million d’individus avec le croisement de divers fichiers de police, et leur plus grande interconnexion. Il y a enfin le développements de nouveaux programmes de surveillance des réseaux sociaux au ministère de l’Intérieur (Centre de Renseignement Olympique, Centre National de Commandement Stratégique).
Chacun a pu le constater ces dernières semaines : on assiste également à une policiarisation accélérée du centre-ville visant à renforcer l’attrait « touristique » de la ville en vue de l’afflux de visiteurs, avec notamment l’ouverture d’un deuxième commissariat sur la Canebière à la place d’un espace culturel, le renforcement des patrouilles mobiles dans le cadre d’une guerre aux pauvres assumée par la préfecture de police, le déploiement de commissariats « mobiles » très visibles sur le Port, et des opérations « place nette » à Belsunce contre les personnes exilées. Dans les quartiers Nord aussi, les opérations « place nette », censée juguler le narcotrafic mais largement inefficaces, se multiplient ces dernières semaines au service d’une une communication gouvernementale absurde. Elles s’accompagnent quasi-systématiquement de drones de surveillance (voir notre outil de détection des arrêtés autorisant les drones ou autre mesures de vidéosurveillance). Le tout, avec une mairie qui mise sur la vidéosurveillance en reniant ses engagements de 2020 : 1650 caméras déjà installées, 500 nouvelles votées le 19 avril dernier, et un renforcement des effectifs du CSU, le Centre de supervision urbain où sont visionnées les images de vidéosurveillance (60 agents).
Enfin, les JO sont le prétexte d’une expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) qui nous inquiète particulièrement. Sur la base de la loi relative aux Jeux Olympiques du 19 mai 2023, les préfectures peuvent ainsi utiliser des algorithmes visant à détecter huit types de situations, dans et aux abords des lieux accueillant du public et des réseaux de transport. Franchir une ligne, marcher à contre-sens ou être présent dans une zone de « densité trop importante de personnes » pourront conduire à des signalements automatiques à destination de la police. Qu’on ne s’y trompe pas : le danger ne réside pas tant dans ces quelques usages limités que dans l’élargissement programmé du recours à la VSA avec, à terme, le projet d’une surveillance systématique et généralisée de l’espace public. Les promoteurs de la VSA sont déjà en train de pousser à cet élargissement via des propositions législatives, notamment à travers la proposition de loi relative à la sécurité dans les transports, adoptée au Sénat et bientôt examinée à l’Assemblée.
Pour mieux illustrer l’hypocrisie des « expérimentations » liées à la loi JO, La Quadrature du Net vient enfin de déposer une plainte devant la CNIL contre un déploiement de la VSA totalement illégal et resté largement sous les radars : le projet Prevent PCP, mis au jour par le collectif Technopolice Marseille.
Associant la SNCF et la RATP avec un panel d’entreprises, dont les groupes Atos et ChapsVision (par ailleurs toutes deux prestataires des expérimentations liées à la loi JO), Prevent PCP prend formellement la forme d’un marché public subventionné par l’Union européenne. En pratique, les entreprises voient leurs systèmes de VSA déployés dans des grandes gares européennes pour détecter des « bagages abandonnés », via une méthode reposant sur l’identification et le suivi des propriétaires des bagages. En France, ces systèmes de VSA sont ainsi déployés depuis des mois dans la gare du Nord et la gare de Lyon à Paris, ou plus récemment dans la gare de Marseille-Saint-Charles.
Ce n’est qu’un exemple parmi les centaines de déploiements illégaux de la VSA en France. En lien avec nos camarades organisés localement et toutes les personnes qui voudront se joindre à nous, nous venons de lancer un campagne pour faire obstacle à la VSA, en tâchant de visibiliser et de dénoncer tous les projets, liés à la loi JO ou non.
Une ville saturée d’une présence policière oppressante, la guerre aux pauvres assumée, l’espace public marchandisé, les contestations invisibilisées, la surveillance généralisée. C’est ça, la fête olympique ? #NoJO2024 #NoJO2030