Avant que la marche ne s’élance depuis le Vieux-Port, les associations organisatrices ont pris la parole. Voici les propos tenus par les représentants de La Quadrature du Net.
On est là aujourd’hui à Marseille pour marcher pour les libertés, et contre la proposition loi sur la sécurité globale. On est l’un des soixante rassemblements qui ont lieu dans dans toute la France.
On est là parce qu’on est choqué de voir l’entrain avec lequel les députés ont adopté cette loi scélérate en première lecture, mardi dernier.
On est là parce qu’on est écœuré de voir un ministre – Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur – feindre la surprise face aux nouveaux cas de violence policière qui ont émaillé l’actualité cette semaine.
On est là parce qu’on sent que le vent tourne. Que le gouvernement a peur. Qu’il ne peut plus faire la sourde oreille, ni continuer à jouer avec le feu de l’autoritarisme en comptant sur l’apathie générale.
Ces derniers jours, on a pu lire jusque dans les médias dominants des appels à l’éviction du ministre du désordre intérieur, monsieur Darmanin, et au retrait de cette loi. Mais on ne contentera pas de ça. Car cette loi est peut être la dernière en date, mais elle s’ajoute à un catalogue sécuritaire déjà bien trop garni. Quant au ministre, on sait très bien qu’en dépit de toutes ses provocations, Darmanin n’est que la tête de proue d’un système qui lui survivra. On sait que, les uns après les autres les ministères de l’intérieur – les Castaner, les Collomb, les Cazeneuve, les Valls, les Hortefeux, les Sarkozy – nous ont enfoncé dans le grand délire sécuritaire. Et que ça fait quarante ans que ça dure.
C’est un système entier qu’il faut commencer aujourd’hui à déconstruire. Un système qui fait que les responsables politiques comme les hauts fonctionnaires qui prétendent nous gouverner reprennent, chacun leur tour, le vocable et les analyses de l’extrême droite. Un système qui accélère ce libéralisme autoritaire qui nous étouffe ; qui fait la guerre aux étrangers, aux pauvres, aux précaires, et même désormais aux intellectuels.
Toute dénonciation des violences policières et économiques, toute analyse sur les mécanismes de la domination, est délégitimée, salie, calomniée, quant ce n’est pas tout simplement réprimée. C’est le dernier signe en date de la dérive fasciste qui saisit aujourd’hui les institutions de la Vè République. Et au passage, ils piétinent l’héritage le plus précieux que nos institutions sont censées protéger : l’horizon des droits humains, de l’égalité, de la liberté, de la sororité.
Nous sommes rassemblés aujourd’hui pour dire notre refus. Le refus non seulement cette loi et les violences qu’elle entend masquer, mais aussi de la fuite en avant techno-policière qu’elle engage : les drones, les caméras piétons utilisées à des fins d’identification, la privatisation des forces de sécurité qui foule du pied la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, dont l’article 12 dispose pourtant que « la garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».
Ce qu’on refuse, c’est aussi l’agenda fixé par le livre blanc de la sécurité intérieure, publié il y a dix jours et qui prévoit une augmentation de 30% du budget du ministère de l’intérieur d’ici 2030 pour lui permettre de développer un arsenal technologique dernier cri, de faire de la reconnaissance faciale et nous mettre ainsi sur le chemin de la Chine.
Nous refusons la Technopolice. C’est pourquoi nous attendons aussi une prise de position ferme de la part de nos élus locaux, et en particulier de la nouvelle majorité municipale, bien silencieuse sur ce dossier depuis un mois. Nous voulons des paroles fortes de celles et ceux qui prétendent incarner une alternative politique. Une parole forte contre cette loi, et des actes concrets auquel le Printemps Marseillais s’est lui-même engagé pendant la campagne des municipales, en réponse aux interpellations faites par nos collectifs. À savoir :
- un audit citoyen de la vidéosurveillance dans la ville ;
- l’arrêt du projet de police prédictive intitulé « observatoire Big Data de la tranquillité publique » ;
- l’arrêt du projet d’expérimentation de la vidéosurveillance automatisée à Marseille.
Bientôt six mois qu’ils sont au pouvoir et on attend toujours…
Aujourd’hui, nous demandons le retrait de cette loi, le renvoi du ministre, le retrait du livre blanc de la sécurité intérieure, l’arrêt des projets technopoliciers partout sur le territoire.
Mais on ne gagne pas si on évite simplement que la situation n’empire. On recommencera à gagner lorsque nous nous mettrons à déconstruire quarante ans d’agenda technosécuritaire. On aura gagné lorsque la police ne sera plus l’organe du contrôle social, qu’elle ne sera plus dévolue à la protection d’un système politique et économique profondément injuste et inégalitaire, qu’elle ne se fera plus le rempart d’une domination de classe, blanche et viriliste.
Nous ne sommes pas juste là pour protester contre cette loi inique. Nous somme là pour reprendre toutes nos libertés perdues, et pour en conquérir de nouvelles !